L'amour, on sait ce que c'est, encore que depuis que ce sentiment est identifié, l'homme et la femme se posent régulièrement la question de sa consistance.
L'amitié elle, sans doute identifiée comme plus ancienne, est reconnue comme un lien fort sans aucune connotation sexuelle, même s'il apparait depuis quelques années des amitiés aussi sexuelles. Mais l'amitié telle qu'on la considère habituellement sous nos latitudes est exempte de sexualité. L'ami(e) peut manquer mais en général il ne manque pas, contrairement à l'amoureux/se, dont chaque seconde passée marque l'absence.
La palette des sentiments est assez large pour en général pouvoir y glisser le sien. Par exemple j'aime ma femme d'amour, et mes ami(e)s d'amitié. Aimer mes amies d'amitié ne signifie pas pour autant que je n'ai jamais eu de désir sexuel pour elles. Mais ce désir, contrôlé ou tout simplement interdit trouve vraisemblablement son épanouissement dans la complicité amicale qui nous unit. Que l'amitié soit dénuée de sexualité ne signifie pas cependant qu'elle soit exempte de sexuation. L'amitié est sexuée, quoi qu'on en dise. L'amie est une amie, l'ami UN ami, mais l'amitié n'est pas en général sexuelle. L'amour, oui, est non seulement sexué mais en général aussi sexuel. Le désir est ainsi "consommé" du corps de l'autre, de son corps sexué, sexualisé, et sexuel.
Françoise Dolto (cf "Au jeu du désir") avait bien tenté de remettre au goût du jour un mot bien oublié, celui de "aimance", qualifiant toute relation affective au sens large. Mais il semble que ce vieux mot n'ait pas pris racine, d'autant qu'il venait recouvrir des réalités déjà définies, et qu'il n'avait pas de verbe (on ne peut dire "je t'aimance" ! Enfin, le verbe n'a pas été proposé par Françoise Dolto). Venons-en au verbe, justement. Le mot "aimer", en français, recouvre des réalités bien différentes, et bien qu'il soit évident que l'on aime pas le chocolat comme on aime son amoureuse, ni le foot comme on aime son travail, le même verbe est employé pour qualifier toutes ces affections (au demeurant un bien drôle de mot !) et le plaisir que l'on a d'être, d'ingérer, de regarder ou de se passionner. Le fait d'employer le même mot pour signifier le sentiment d'amitié et celui d'amour n'est pas pour faciliter les choses et autant l'on peut dire "je t'aime" à son amoureux, autant il est souvent incongru de le dire à un ami, sinon par jeu ou par liberté.
Alors ? Alors comment qualifier un sentiment envers quelqu'un(e) s'il ne s'agit ni d'amour ni d'amitié ? Et pourtant d'amour et d'amitié en même temps. Comment qualifier un sentiment d'amour sans sexe et sans désir sexuel, mais avec désir du corps quand même ? Comment qualifier cette affection particulière et très forte qui fait que l'autre nous manque (donc proche de l'amour) mais qui supporterait et même encourage l'autre à rencontrer l'amour (d'un et avec un autre) si tel est son désir ? Comment qualifier cette attention qui dépasse l'amitié au sens strict du terme mais qui n'est pas de l'amour avec sa cohorte de désirs sexuels et de désirs touts-courts, et de manques associés ? Comment qualifier une relation où les désirs ne se concentrent pas sur le sexuel de l'autre même si éventuellement sur le corps ? Existe-t-il un état intermédiaire entre l'amitié et l'amour, qui se voudrait plus grandiose que l'amitié mais différent de l'amour puisque ne donnant pas prise au sexe, à l'attente, voire à la douce possession ?
Fut un temps où l'on parlait d'amour courtois. Les amoureux courtois ne faisaient-ils jamais l'amour ? Se touchaient-ils ? Avaient ils envie du corps de l'autre ? Je ne sais pas, je ne suis pas assez calé en amour courtois pour en parler bien.
N'est-ce pas une vue de l'esprit que d'aimer ainsi d'autre manière qu'amour ou amitié, cela est-il de l'amour qui ne veut pas se dire ? Du respect d'un contrat qui interdit l'amour physique ? Mais qui le désirerait peut-être quand même ? Dormir avec l'autre, dormir auprès de l'autre, se toucher, désirer peut-être mais à peine, désirer le/la toucher, le/la prendre dans ses bras, mais sans désir aucun de sexe et encore moins de pénétration sexuelle, ça doit bien porter un nom, quand même ?
Les "contrats" entre les personnes, contrats imposés socialement, éducativement, psychiquement, moralement, religieusement... sont des contrats à respecter. Sans doute. L'on sait bien cependant que ce ne sont pas les contrats qui font les sentiments, ni les briment et encore moins les exaltent (encore que par réaction nous soyons capables de tant de choses !). La relation d'amitié est parfois tellement forte par ailleurs qu'il serait incongru qu'elle se transforme en relation amoureuse et encore moins sexuelle. Le choix serait-il alors à faire entre se déshabiller le cœur et se déshabiller le corps. Il n'y a sans doute que dans l'amour que la pudeur tombe véritablement.
Et pourtant ! Et pourtant la relation est telle parfois entre deux personnes qu'elle permet de laisser tomber les masques, y compris ceux du corps. La réponse est peut-être dans le mot "sensualité". Celui-ci n'a que deux lettres de différence avec le mot "sexualité", très éloigné et à la fois très proche de lui. Sensualité ! Voilà ! Ce qui qualifie cette relation entre amour et amitié est peut-être la sensualité possible, celle du corps, celle du toucher, celle du plaisir sans sexe.
Il existe parfois entre un homme et une femme -en fait peu importe le sexe, enfin, le genre- une relation d'amitié mais plus que d'amitié, une relation pas d'amour mais presque, qui met éventuellement en jeu le désir du corps mais pas celui du sexe, une relation où les bras sont importants, tant l'un et l'autre s'y blottiraient bien chaque jour, une relation de manque mais qui supporte l'absence, une relation d'être en pensée chaque jour, à travers laquelle l'un et l'autre sans jugement aucun peuvent échanger leurs joies et leurs peines, une relation qui respecte l'histoire et la vie de chacun, relation faite de liberté, de pudeur, de désir et de manque, d'accompagnement, où l'un et l'autre se bousculent gentiment et avec tendresse pour que chacun vive sa vie à lui. Alors il faut peut-être inventer un mot. Entre le je t'aime bien trop connoté amour et le je t'embrasse, pas suffisamment fort pour dire le sentiment, il y a le mot 'HUAMOUR".
L'huamour, c'est à la fois de l'amitié et de l'amour. Ça aurait pu être amiour, amimour, amoumitié, mais ces néologismes n'ont pas de verbe facile à utiliser (je te amiaime ? amimaime ? ). Alors que l'huamour en a un, de verbe, qui se conjugue comme le verbe aimer : Je te huaime (ou je t'huaime), tu me huaimes, nous nous huaimons, ils se huaiment ou s'huaiment. Le "h" est là aussi pour rappeler que nous sommes des humains. Qui se huaiment.
L'huamour est un sentiment, une émotion qui lie deux êtres libres, contrairement à l'amour, souvent synonyme de possession et de vie commune. L'huamour n'est ni possession ni vie commune, supporte l'absence même si pas toujours le manque. C'est comme si deux personnes marchaient côte à côte, toujours en lien mais supportant et même se réjouissant des liens que chacun peut créer par ailleurs, au besoin les encourageant, même.
L'huamour peut se transformer en amour. Cependant, comme pour l'amitié, c'est rare. Parce que le contrat d'huamour est ce qu'il est : le respect total et entier de la vie affective de l'autre, respect entier des amours de l'autre et même réjouissance, accompagnement quasi quotidien "comme si" vie ensemble mais pas vie ensemble. ça ressemble à de l'amour, ça permet les bisous et ce n'est pas dangereux. Ce n'est pas de l'amour, mais c'est bien davantage que de l'amitié !
Voilà ! Il me manquait un but dans la vie, une grande œuvre. Et bien ce sera celle-là : Faire adopter ce nom -huamour- et ce verbe -huaimer- par les gens et la grande Académie. Avec HU(a)MOUR bien sûr !
Huamour : n. m. Sentiment très fort unissant deux personnes, n'excluant pas le désir ni le plaisir du corps mais excluant cependant l'acte sexuel. Entre l'amour et l'amitié, l'huamour exclue toute idée de possession, d'exclusivité et de manque.
Huaimer : v. tr. 1. Aimer quelqu'un d'huamour. 2. Aimer une personne avec humour.
Ps : Même en cherchant bien, je n'ai trouvé ce mot qu'ici-mais-je-ne-mets-pas-le-lien-parce que-plutôt-trash ! (Et puis aucun rapport avec le sentiment !)